Le midi nous mangeons dans les petites gargotes des arrêts de bus .
POULET A LA BIRMANE
Ce soir là nous rentrons relativement tôt dans Taungdwingyi , la petite ville où nous avons prévu de dormir . Notre entrée ne passe apparemment pas inaperçue puisque nous sommes rapidement stoppés par une moto avec deux policiers en uniforme ( c'est rare ). Passeports ? Ils examinent nos 4 passeports sous toutes les coutures et passent des coups de fil pendant que nous restons là plantés sur le bord de la route . Puis arrive Jacky Chan et tout son staff à mobylettes . Jacky Chan , enfin plutôt son sosie , se présente : numéro 2 de l' immigration pour le district .
Tandis que les uniformes disparaissent avec nos passeports , l' équipe de Jacky Chan nous prend en main . Nous faisons part de notre intention de passer la nuit dans la ville , ils nous font savoir qu'il n'y a pas de lieu pour recevoir les étrangers ici , mais qu' ils peuvent nous arranger un transport pour nous envoyer à Pyay . Nous insistons pour dormir dans la ville , dans une école ou un monastère , nous sommes trop fatigués .
La nuit commence à tomber , et la solution tarde à venir . On suit Jacky Chan jusqu' à une maison de thé où il cherche à priori en vain à joindre par téléphone le grand chef de l' immigration . Après un interrogatoire plutôt cordial , il nous dit que l'on va finalement pouvoir dormir dans un hôtel . Nous le suivons alors à travers la ville sans éclairage ( coupure de courant pour deux jours ) guidés par la lumière de sa mobylette , tachant d' éviter les nids de poules .
Nous passerons la nuit dans ce petit hôtel , avec interdiction d'en sortir avant demain matin prévient Jacky Chan , et dans la chambre d'à côté un policier va "veiller" sur nous pendant la nuit ...Nous l'entendons d'ailleurs à plusieurs reprises parler dans son talkie-walkie et l' imaginons : "oui chef , je les ai bien à l' œil , je sais qu'ils sont dangereux !"
Au matin Jacky Chan est là pour vérifier que l' on repart de l'hôtel et nous salue d'un "see you" de mauvais augure . Pourtant nous ne le reverrons plus , mais pendant 50 kms nous allons être suivis ou devancés , ou les deux par un ou des policiers en civil , "incognitos" , qui s' arrêtent lorsque l' on s' arrête , puis repartent dés que l' on reprend la route . Ainsi , lors de la pause "petit déjeuner" , sur le bord de la route , en pleine campagne , le type qui nous suivait reste assis sur sa mobylette en face de nous , de l'autre côté de la route , jusqu' à ce que l'on reparte 20 minutes plus tard .
La pauvre Eva a on ne peut plus mal choisi son jour pour avoir un début d' infection urinaire qui l' oblige à s' arrêter en catastrophe sur le bord de la route plus de 20 fois dans la journée , sous la surveillance on ne peut plus indiscrète de notre ange gardien du moment . Et bien sur pour nous inquiéter un peu plus , elle a de la fièvre .
Et , pour que la journée soit vraiment mémorable nous avons droit à la route la plus pourrie de notre parcours , ce qui n'est pas peu dire ! Nous devons en permanence slalomer entre des nids d' autruches sur une route en monte et baisse incessant .
Au bout d' une cinquantaine de kms sans doute changeons nous de district , la surveillance policière s' interrompt , pour reprendre un peu plus tard pendant une dizaine de kms .
Nous avançons tellement lentement sur cette mauvaise route , dans cette journée pourrie qu'il fait nuit quand nous rentrons , après une centaine de kms qui en paraissent beaucoup plus , dans Aunglan ,où nous espérons dormir .
On finit quand même par trouver un hôtel , mais il n'a pas le droit de loger des étrangers . Il nous faut alors trouver le poste de police ou le chef refuse tout d'abord de nous laisser dormir dans la ville . En insistant , sans doute grâce aux enfants , il accepte finalement de nous donner l'autorisation de dormir dans l' hôtel pour la nuit , et , après plus d' une heure passée à attendre nos passeports nous pouvons retourner à l' hôtel , bien sur accompagné d'un policier qui dormira dans la chambre d'à côté .
Ce soir nous sommes crevés , cassés par les secousses de la route , démoralisés même si Eva va mieux . Le poulet à la Birmane est parfois un peu indigeste ...
Bangkok , Thaïlande , le 30 décembre 2011