jeudi 29 décembre 2011

POULET A LA BIRMANE

De Mandalay jusqu'à Yangon nous avons pédalé 1350 kms au Myanmar . Nous nous doutions qu'il ne serait pas simple de voyager en vélo dans ce pays , et ce ne le fût effectivement pas .


Dans un premier temps , de Mandalay à Bagan , puis de Bagan à Ma-gway nous avons pu tenir compte des villes où les étrangers sont autorisés à se loger , au prix entr' autre de trois grosses étapes de 120 kms .


Mais cela devint vraiment très compliqué de Ma-gway à Yangon , près de 700 kms avec au milieu une seule ville , Pyay , où les étrangers sont autorisés à séjourner . Le camping est bien entendu interdit , et impossible de passer outre vu la surveillance dont nous avons fait l'objet .L' hébergement chez l' habitant , également interdit aurait été trop dangereux pour les gens qui auraient accepté de nous accueillir . Nous avons donc du à quatre reprises obtenir la permission de la police pour passer la nuit dans de petites villes où nous n' étions visiblement pas les bienvenus pour ce qui est des autorités , avec de longues étapes de 8-10 heures par jour , dont une de 127 kms qui restera nous l'espérons notre record de pédalage en famille .
 
 



Eva sur sa troisième roue , et Manuel sur son propre vélo ont fait preuve d’une résistance exceptionnelle pour pouvoir ainsi pédaler le plus souvent entre 8 et 10 heures par jour sur des routes en très mauvais état . Jamais ils ne se sont plaint de conditions on ne peut plus difficiles .





La route est parfois très étroite , il y a heureusement très peu de circulation sur ce qui est pourtant la seconde route du pays .




Les « rapiéceurs de route » . La route numéro 2 est le plus souvent dans un état inimaginable , et régulièrement en travaux . Mais ici , pas de machines , tout est fait à la main . C’est un véritable travail de forçat que de casser ainsi les pierres à la masse , de faire bouillir le goudron dans de grands bidons …
Dans le même genre nous avons vu une tranchée creusée à la pioche sur une centaine de kilomètres !

L' Irrawady que nous avons suivi , mais très peu vu .









Sur le ferry traversant l' Irrawady à Pakkoku , en attendant la mise en service du pont flambant neuf .


La Birmanie est un des rares pays où nos vieux vélos font envie ...


Les camions bus , surchargés , ne sont parfois guère plus rapides que nous tant ils font de haltes .





Le midi nous mangeons dans les petites gargotes des arrêts de bus .


POULET A LA BIRMANE



Ce soir là nous rentrons relativement tôt dans Taungdwingyi , la petite ville où nous avons prévu de dormir . Notre entrée ne passe apparemment pas inaperçue puisque nous sommes rapidement stoppés par une moto avec deux policiers en uniforme ( c'est rare ). Passeports ? Ils examinent nos 4 passeports sous toutes les coutures et passent des coups de fil pendant que nous restons là plantés sur le bord de la route . Puis arrive Jacky Chan et tout son staff à mobylettes . Jacky Chan , enfin plutôt son sosie , se présente : numéro 2 de l' immigration pour le district .


Tandis que les uniformes disparaissent avec nos passeports , l' équipe de Jacky Chan nous prend en main . Nous faisons part de notre intention de passer la nuit dans la ville , ils nous font savoir qu'il n'y a pas de lieu pour recevoir les étrangers ici , mais qu' ils peuvent nous arranger un transport pour nous envoyer à Pyay . Nous insistons pour dormir dans la ville , dans une école ou un monastère , nous sommes trop fatigués .


La nuit commence à tomber , et la solution tarde à venir . On suit Jacky Chan jusqu' à une maison de thé où il cherche à priori en vain à joindre par téléphone le grand chef de l' immigration . Après un interrogatoire plutôt cordial , il nous dit que l'on va finalement pouvoir dormir dans un hôtel . Nous le suivons alors à travers la ville sans éclairage ( coupure de courant pour deux jours ) guidés par la lumière de sa mobylette , tachant d' éviter les nids de poules .


Nous passerons la nuit dans ce petit hôtel , avec interdiction d'en sortir avant demain matin prévient Jacky Chan , et dans la chambre d'à côté un policier va "veiller" sur nous pendant la nuit ...Nous l'entendons d'ailleurs à plusieurs reprises parler dans son talkie-walkie et l' imaginons : "oui chef , je les ai bien à l' œil , je sais qu'ils sont dangereux !"


Au matin Jacky Chan est là pour vérifier que l' on repart de l'hôtel et nous salue d'un "see you" de mauvais augure . Pourtant nous ne le reverrons plus , mais pendant 50 kms nous allons être suivis ou devancés , ou les deux par un ou des policiers en civil , "incognitos" , qui s' arrêtent lorsque l' on s' arrête , puis repartent dés que l' on reprend la route . Ainsi , lors de la pause "petit déjeuner" , sur le bord de la route , en pleine campagne , le type qui nous suivait reste assis sur sa mobylette en face de nous , de l'autre côté de la route , jusqu' à ce que l'on reparte 20 minutes plus tard .


La pauvre Eva a on ne peut plus mal choisi son jour pour avoir un début d' infection urinaire qui l' oblige à s' arrêter en catastrophe sur le bord de la route plus de 20 fois dans la journée , sous la surveillance on ne peut plus indiscrète de notre ange gardien du moment . Et bien sur pour nous inquiéter un peu plus , elle a de la fièvre .


Et , pour que la journée soit vraiment mémorable nous avons droit à la route la plus pourrie de notre parcours , ce qui n'est pas peu dire ! Nous devons en permanence slalomer entre des nids d' autruches sur une route en monte et baisse incessant .


Au bout d' une cinquantaine de kms sans doute changeons nous de district , la surveillance policière s' interrompt , pour reprendre un peu plus tard pendant une dizaine de kms .


Nous avançons tellement lentement sur cette mauvaise route , dans cette journée pourrie qu'il fait nuit quand nous rentrons , après une centaine de kms qui en paraissent beaucoup plus , dans Aunglan ,où nous espérons dormir .


On finit quand même par trouver un hôtel , mais il n'a pas le droit de loger des étrangers . Il nous faut alors trouver le poste de police ou le chef refuse tout d'abord de nous laisser dormir dans la ville . En insistant , sans doute grâce aux enfants , il accepte finalement de nous donner l'autorisation de dormir dans l' hôtel pour la nuit , et , après plus d' une heure passée à attendre nos passeports nous pouvons retourner à l' hôtel , bien sur accompagné d'un policier qui dormira dans la chambre d'à côté .


Ce soir nous sommes crevés , cassés par les secousses de la route , démoralisés même si Eva va mieux . Le poulet à la Birmane est parfois un peu indigeste ...




Bangkok , Thaïlande , le 30 décembre 2011

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